Articles

Qu’est-ce qui a motivé votre décision de quitter la Roumanie et de partir? En Roumanie, vous étiez une professionnelle, vous aviez étudié à l’université, vous étiez déjà une journaliste et une écrivaine affirmée à Bucarest…

Oui, j’avais aussi une famille ce qui rend plus difficile la décision de quitter les lieux d’origine. Ma décision de partir en fait est venue plus tard, dix ans après  la chute du régime communiste qui nous tenait prisonniers à l’intérieur des frontières. En 1989, à la chute du mur de Berlin, j’appartenais à la génération  de 23-26 ans, et la libération nous semblait une véritable manne céleste. On espérait que, tout à coup, tout allait être chez nous comme en Occident, et   après avoir gaspillé notre enfance et notre jeunesse sous un régime totalitaire,  on pourra vite rattraper le décalage. Dix ans plus tard, on s’est rendu compte que c’était un rêve impossible, à cause des vieilles structures bureaucratiques communistes et de la corruption, difficiles à déraciner, mais surtout à cause d’un manque de culture démocratique. Déçus aussi par les régimes politiques pseudo-démocratiques, nous avons vite compris qu’il n’y avait pas d’espoir pour notre génération, malgré la bonne éducation scientifique qu’on avait re- çue pendant le régime. On s’est dit, si on ne peut pas sauver la nation, on va se sauver individuellement. Dans mon cas, j’avais déjà débuté comme auteure, en publiant trois livres qui avaient eu du succès. Ce succès me faisait cependant me demander si j’avais véritablement du talent où l’attention de la critique était due à ma célébrité comme journaliste. Si je restais, j’avais peur de m’arrêter à une formule gagnante, tomber dans le maniérisme, sans plus évoluer. Donc, ma décision de quitter la Roumanie est due premièrement à la déception face à l’état de la société et ensuite à mon défi personnel: je voulais essayer de publier mes livres ailleurs, écrire dans une autre langue et sur d’autres sujets. Parmi les quelques possibilités de partir que nous avions, je trouvais que l’Europe était assez fermée à nos égards. Les Roumains avaient acquis une mauvaise réputa- tion à cause d’une immigration chaotique, tandis qu’au Canada n’arrivaient que les élites des pays. C’était le seul pays occidental qui nous offrait un exil confortable, basé en fait sur un système de sélection qui représente un véritable vol d’intelligence. J’ai choisi le Québec à cause du français, une langue que j’étudiais depuis mes dix ans.

Lire l’interview ICI

 

Felicia Mihali* interviewée par Maura Felice**