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Notice bio-bibliographique :

Née en Roumanie, le 20 août 1967, Felicia Mihali est diplômée  en philologie (1995) et en études chinoises et néerlandaises (1997) à l’Université de Bucarest.
Pendant sept ans (1993-2000), elle a été  chroniqueur de théâtre au  quotidien bucarestois, «Evenimentul zilei» (L’Événement du jour), puis en 2000 elle a choisi de vivre  au Québec. En 2001 elle a obtenu  un Certificat en Histoire de l’Art à L’Université de Montréal. Deux ans plus tard, en 2003 la même université montréalaise lui a  accordé le titre de Maître ès lettres, avec un mémoire portant sur la littérature postcoloniale.
En  2003 Felicia Mihali  est partie en Chine où elle est restée un an pour travailler comme professeur de français. Recevant une  bourse de création  du Conseil des arts et des lettres du Québec en 2004 pour le projet du roman « La Reine et le Soldat », elle publie ce volume en 2005. Felicia Mihali est rédacteur en chef de la revue culturelle on line « Terra Nova Magazine »  (www.terranovamagazine.ca)

Livres publiés en Roumanie :
« Tara brînzei », Bucarest, Ed. Image, 1998
« Mica istorie », Bucarest, Ed. Image, 1999
« Eu, Luca şi chinezul », Bucarest, Ed. Image, 2000

Livres publiés au Canada :
« Le Pays du fromage », Montréal, XYZ éditeur, 2002
« Luc, le Chinois et moi », Montréal, XYZ éditeur, 2004
« La reine et le soldat »,  Montréal, XYZ éditeur, 2005

Même si elle vit au Québec depuis sept ans seulement, Felicia Mihali s’est imposée dans « la belle province » par ses trois romans en français, qui lui réservent une place de choix parmi ceux qu’on appelle « écrivains migrants », comme Marco Micone, Sergio Kokis ou Abla Farhoud.
En fait, Felicia Mihali – que j’ai eu le plaisir de rencontrer au Congrès du C.I.E.F. organisé à Sinaia en 2006 – est beaucoup plus qu’une « migrante », car elle conserve les deux versants de son identité créatrice. C’est au sujet de ce rapport particulier entre ses écrits de la période roumaine et sa création en français que la jeune romancière montréalaise m’a fait l’amitié de réfléchir, pour ce numéro spécial de notre revue, autour de l’autotraduction.

Elena -Brandusa Steiciuc : -Lorsque vous avez décidé de quitter la Roumanie, Felicia Mihali, vous étiez déjà un jeune auteur à succès, surtout si nous pensons à « Tara brînzei », roman salué par la critique. Qu’est-ce qui vous a déterminée à traverser l’océan et à vous installer dans un nouveau pays, dans une nouvelle langue ? Saviez-vous à l’époque  que cet événement de votre biographie allait déclencher la genèse de votre œuvre en français ?

Felicia Mihali : – Je le savais évidemment, car je l’avais prévu. La raison pour laquelle j’ai laissé derrière mon vécu en Roumanie a été mes livres. Je n’avais pas envisagé toutes les difficultés que le déménagement dans un pays parlant une autre langue impliquerait, mais j’étais prête à tout. J’étais plus jeune aussi, car maintenant, même pour moi, ce trajet me semble trop épineux pour  qu’un auteur le suive : je conseille aux auteurs de ne faire le pas que s’il est impérieusement nécessaire. Je vous dis une banalité, mais nous savons tous que la littérature est étroitement liée à la langue. En immigrant, vous perdez justement l’outil que vous utilisez le plus; acquérir un autre langage et le maîtriser à la perfection, cela implique non seulement de grands efforts, mais également des renoncements. Je pense qu’aucun auteur ne sera capable des mêmes prouesses à l’écrit dans une autre langue et qu’il n’y a rien qui remplace la dextérité et la facilité à s’exprimer dans la langue maternelle. Dans la nouvelle langue, la forme du texte est  toujours pire que dans la langue maternelle. Mais ce que l’on perd d’un côté, on le gagne de l’autre. Si la forme est plus pauvre, le contenu est sûrement plus riche. Et cela vous pousse vers l’avant. On se résigne à ce que la langue de création soit  un amas de clichés que l’on apprend petit à petit, avec beaucoup de pratique et d’application. Voilà la tâche que je me suis imposée et que je suis scrupuleusement.

E-B. S. :-Vous avez pratiquement traduit vous-même en français vos textes publiés en Roumanie, à savoir « Tara brînzei » et « Luca, chinezul şi eu ». Parlez-nous de cette expérience de l’autotraduction, telle que vous l’avez pratiquée ou la pratiquez encore. En tant que traductrice de vos propres textes, les avez-vous re-créés, remodelés, voire re-construits  en langue-cible, ou bien vous vous êtes imposé un certain parallélisme, une fidélité au texte-source ?

F.M. – Ce choix m’a été imposé par la nécessité. J’ai commencé à traduire mes textes au lendemain de mon arrivée, comme palliatif à la dépression, au manque de confiance qui caractérise chaque immigrant lorsqu’il se réveille dans un bâtiment où il ne comprend ni les sons ni les bruits. Mes livres étaient ce que j’avais amené de plus important dans mes bagages et j’étais pressée de les faire revivre. En les lisant en roumain, je vous avoue sincèrement que je ne les aimais plus : ils me semblaient fades par rapport à la nouvelle réalité et je me demandais, avec grande peine, qui serait intéressé par des histoires qui parlent de la détresse roumaine, à la ville comme à la campagne. La traduction vers le français les a chargés de mystère, les mêmes phrases et images rédigées en d’autres mots parlaient un peu d’autre chose. Le pire était que je savais combien difficile serait de convaincre les éditeurs d’ici de la valeur de mes écrits, s’il y en avait une. Ce que je me suis promis avec entêtement a été de ne rien changer dans mes textes. À part quelques phrases que j’ai ajoutées au Pays du fromage, pour que le lecteur étranger comprenne mieux les affres du communisme, et quelques pages que j’ai supprimées dans Luc, le Chinois et moi, car trop descriptives, j’ai fidèlement préservé l’original. C’est un devoir de respecter l’intégrité des textes : l’auto traduction doit être aussi fidèle que la traduction par un autre, elle doit respecter le texte comme étant celui d’autrui. En me traduisant, je voulais me voir résonner dans une autre langue, mais je ne voulais rien changer, politique que j’ai appliquée pour tous mes livres. La rencontre avec la nouvelle langue s’est produite sur et dans mes textes, car je me réveillais devant la dure réalité que ce qui était beau en roumain ne l’était plus en français. D’autre part, j’étais surprise qu’en français certaines choses peuvent être dites d’une manière plus concise et même plus évocatrice. L’autotraduction n’est pas un jeu de hasard : on sait qu’on perd, mais il faut s’assurer qu’on gagne autant.

E-B. S.  – « Tara brînzei », votre premier volume publié en Roumanie, semble reposer sur le cioranien « inconvénient d’être né » dans un pays obscur, auquel l’héroïne a du mal à s’adapter, surtout à ses odeurs très persistantes, comme celle du fromage, leitmotiv du texte. Quittant la capitale à la suite d’une crise maritale et de son licenciement, la narratrice revient dans le village presque désert de ses ancêtres et vit pendant quelque temps dans la maison de ses parents et de ses grands-parents. Tout tombe en ruine autour d’elle, qui s’engouffre dans une sorte de torpeur, d’aboulie d’où rien ne peut la tirer ; elle vit dans un monde de fantasmes où des images d’ancêtres se mêlent à des figures mythiques, dans une tentative d’identification de la jeune femme à ses aïeules, dont la relation de couple était gouvernée par la violence. Tout cela dans un pays fruste où « tout était estimé selon la valeur du fromage et tout sentait le fromage ». Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ce livre, véritable cri d’une inadaptation extrême ?

 

F.M. – Le pays du fromage a eu une genèse étendue sur plusieurs années et correspond à plusieurs plans artistiques et personnels. J’ai travaillé à ce roman pendant deux ans, mais avec de très grandes pauses, dues au fait que j’étais trop occupée par mon travail au journal et à l’école. J’ai intensifié le travail lorsque j’ai fini mes études, soit après 1997.  Comme genre littéraire, je sortais de l’école un peu fatiguée du postmodernisme et du fait que je ne savais pas encore ce que cela voulait dire exactement. Ce que je savais en revanche, c’était que je ne voulais pas être une auteure postmoderne. Après le maniérisme et le mélange surréaliste de ce mouvement, il me semblait que la littérature devait finalement revenir à un réalisme sincère, à des histoires modestes, ouvrant des chemins aux domaines parallèles à la littérature. Il me semblait que l’histoire comme telle devait rester simple en apparence, mais incommensurablement compliquée en profondeur. L’art de l’écrit me semblait prêt à être métissé avec le cinéma, le théâtre, la peinture, et même la politique. La littérature était devenue pour moi le carrefour de tous les arts, car si l’être humain est encore capable de tout dire c’est surtout à travers la parole qu’il le fait. Il ne fallait donc pas appauvrir cet art, mais l’enrichir de choses nouvelles, lui donner une chance par son renouvellement. Je ne sais pas si j’ai réussi, mais j’ai fortement essayé de semer dans mes livres des  bribes du passé et de l’avenir, du proche et du lointain, du mien et de l’autre. À cet effet, j’ai profité de mon expérience de journaliste culturelle, en contact avec le milieu artistique mais politique aussi. À l’époque, je touchais à presque tous les domaines artistiques de la capitale roumaine et, de plus, je lisais beaucoup de journaux. Je lis encore la presse avec la passion qu’on met dans un roman policier. J’ai voulu rassembler cette vision globalisante avec une expérience terrestre, charnelle. Les deux se faisaient réciproquement supportables. Quelque farfelu que cela puisse paraître, il me semblait qu’en Roumanie plus qu’ailleurs, les auteurs devaient se faire le porte-parole de la société, de leur génération et de leur peine. Se tenir à côté à l’époque me semblait une lâcheté. Je ne veux pas être une auteure engagée, mais attentive et honnête. En restant passif, on laisse les canailles vous diriger, impunis. Sur le plan personnel, Le pays du fromage est aussi une histoire liée à ma biographie, car le livre a été conçu entre un divorce qui m’a laissée épuisée, et une époque de grande paix. Après de grandes peines, j’ai compris que les ressources sont en nous-mêmes et qu’une femme vaincue est un péché contre le Dieu de la création qui voulait qu’Ève continue à travailler pour nourrir sa progéniture.

E-B. S. :-Quelles ont été les difficultés majeures dans l’activité de traduction de ce roman, auquel la critique québécoise a trouvé une ressemblance avec « Une saison dans la vie d’Emmanuel », célèbre ouvrage  de Marie-Claire Blais ? Votre texte, même s’il place l’héroïne dans une atmosphère plus ou moins intemporelle, où les précisions spatiales sont peu nombreuses, donne au lecteur étranger une image de la plaine roumaine et d’une civilisation balkanique en train de disparaître. Certains détails demandent des explications pour les lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec cet espace, par exemple la note de la page 96, sur le mot « colac ». Avez-vous buté sur des difficultés insurmontables ou bien cette opération s’est passée sans beaucoup de contraintes ?

 

F.M. – La manière de laquelle j’ai mené cette bataille de conquérir le public québécois me semble maintenant une étrange contradiction. Je voulais désespérément publier dans ce pays, car cela était mon but déclaré dès mon départ. J’aurais pu rentrer évidemment, le retour au pays ne m’aurait pas affectée personnellement, mais cela aurait été la preuve que mes livres ne valaient rien. Cela aurait été le plus dur à supporter, car autrement je n’ai jamais été sensible aux on-dit. Je travaillais, donc, avec acharnement à la traduction sans jamais penser que peut-être, pour réussir, il aurait fallu réinventer et réécrire. Je n’ai jamais pensé à trahir mes livres et à me renier moi-même, mon passé et mon vécu. Avec un orgueil dangereux je pensais que le public devait être amené vers ces livres sans détour et sans concession à la mode littéraire. À quarante ans, plus chevronnée  et moins naïve, cette rigidité me surprend. Toutefois, je ne ferais jamais autrement. À l’apparition de mon deuxième romanLuc, le Chinois et moi, j’ai failli rompre avec mon éditeur. Il voulait que je renonce aux chapitres concernant l’histoire du journal. Lui, il était intéressé par la réception critique, moi par la fidélité. Je lui ai dit que tout ce que je pouvais faire était de réduire de quelques paragraphes, mais que le roman resterait tel quel ou on ne le publierait pas du tout. Je pense que la bonne réception d’un auteur tient aussi de sa dignité à défendre ses livres. Tôt ou tard, on arrive à regretter la trahison, les retouches, la concession. S’il n’est pas trop tard, un écrivain arrive à comprendre qu’il a aussi un devoir, et que l’honnêteté est son plus grand allié. Je ne ferai jamais rabais de mon identité, la vraie.

E-B. S. : – Le dernier en date de vos ouvrages, « La reine et le soldat », est en même temps le premier d’une série (que nous vous souhaitons très longue !) où vous vous attachez à écrire directement en français. En lisant ce superbe roman on ne peut pas rester indifférent à la minutie et à la majesté de la reconstitution historique, à la mise en parallèle du passé et du présent, à ce face à face permanent entre Orient et Occident. En fait, vous y  reconstituez avec les moyens du prosateur une époque ancienne de l’histoire des Perses, immédiatement après la conquête du pays par Alexandre le Grand. Sur cette toile de fond se déroule la rencontre des deux personnages, la reine Sisyggambris, mère de Darius, et le jeune soldat grec Polystratus, chargé de la garde du palais et donc des appartements de la reine. L’attraction entre les deux est  inévitable, car  la reine, même vieille femme,  symbolise aux yeux du soldat rustre et mal odorant le comble du raffinement oriental, alors que pour elle, il représente la force virile du conquérant. Votre roman joue également sur le parallélisme entre passé et présent et de nombreux clins d’œil renvoient à l’actualité du début de ce millénaire, comme la guerre en Irak (« Alexandre délivrait des peuples qui ne voulaient pas être délivrés…Ceux qui s’avancent trop  sur le territoire des autres ne sont en aucun cas des libérateurs », p. 139) ou comme ce terrible « clash » des civilisations, qui oppose de plus en plus Occident et Orient. Est-ce que votre première expérience comme écrivain de langue française s’est complètement passée du soutien de votre langue maternelle ? Avez-vous complètement renoncé à l’autotraduction pour « La reine et le soldat » ? Quels ont été les défis d’une telle rédaction ?

F.M. – Pour ce roman, j’avais un petit noyau de cinquante pages environ en roumain. J’ai commencé ce livre à l’époque de mes études en néerlandais, lorsqu’un de mes professeurs m’a  donné en cadeau le livre de Louis Couperus, Iskenderun. Aucun Occidental ne peut se passer de cette vision glorieuse du grand conquérant qui avait poussé les limites du monde connu, et à qui on attribue les atours d’un civilisateur. Je me plaisais à ce travail de glorifier un héros. Au Québec, pendant les trois premières années, j’ai laissé de côté ce roman, car je n’avais pas le temps de m’y pencher. J’étais occupée avec mes études de maîtrise et aussi avec la traduction de mes propres livres. Je ne peux pas vous expliquer pourquoi j’ai recouru à cette stratégie de publier d’abord les œuvres roumaines, en traduction. Peut-être que d’une certaine manière je voyais mes anciens livres comme des pions de sacrifice, je savais que même si la réception était bonne, cela ne voulait pas dire grand-chose pour moi. Entre temps, il y a eu le 11 septembre, la guerre en Afghanistan, la guerre en Irak. En plus, ma vision d’immigrante, de quelqu’un appartenant aux communautés culturelles, aux plus faibles, avait changé ma manière de regarder Alexandre. Mon amour pour lui avait flétri. Il ne me semblait rien d’autre qu’un aventurier, car de sa campagne en Asie rien n’est resté à part quelques toponymes. La gloire d’Alexandre est due à cette tragique réalité que l’histoire est écrite par les vaincus, et que pour envahir et détruire les plus faibles on n’a besoin que d’un insignifiant prétexte. De retour de Chine, j’ai recommencé ce livre avec grand appétit, renonçant à beaucoup de détails du projet originel. J’en savais plus qu’avant sur ce monde. Si ce n’est que pour ces expériences, mon départ de Roumanie vaut le coup. Dans ce roman, je pouvais maintenant parler de l’Asie, comme je l’ai perçue en Chine, de mon expérience d’immigrante et du travail d’embrasser une autre langue, de ma révolte et de mon impuissance, de ma colère. Ça a été un drôle de spectacle de voir que tous savent, qu’on s’indigne devant la télé, mais qu’on ne peut rien faire contre les agresseurs. Ce roman a été mon humble protestation. Elle est peut-être difficile à repérer dans le luxe de la description, mais elle est toujours là.

 

E-B. S. – Une dernière question, portant maintenant sur l’avenir : quoi de neuf dans votre chantier de travail ? Quels nouveaux titres réservez-vous à vos lecteurs, que ce soit au Québec, en Roumanie et dans tout le monde francophone ?

 

F.M. – Je me considère  une auteure heureuse, car j’ai encore plein d’idées, mais je n’ai pas assez de temps pour les réaliser. Cela me stimule cependant, car rien n’est plus grave qu’un auteur sans idées. Mes projets d’avenir sont évidemment rédigés directement en français. J’attends encore le verdict de mon éditeur sur Sweet, Sweet, China qui devrait paraître au mois de novembre de cette année, mais on ne sait jamais. Ensuite, je travaille à un roman qui s’appelle Dina, et qui est encore une fois lié à la Roumanie. Mais comme je le disais, je ne renoncerais jamais à un livre qui vient vers moi avec générosité et beauté, pour la raison que la Roumanie est loin du Canada et que cela pourrait ne pas intéresser le public d’ici. Je suis sûre qu’un bon livre intéresse toujours. Mon seul souci est donc de faire de mon mieux. Je ne peux nier ce que je suis, car les autres le savent autant que moi. Au mois de mars, je suis allée en Italie, à l’Université de Calabre, invitée par Gisèle Vanhese, une personne remarquable, également aimante de la culture roumaine et française. À cette occasion, j’ai pu participer à un colloque dans un village d’Albanais, réfugiés en Italie au XV-ème  siècle pour fuir l’Empire Ottoman. Le sujet de ce colloque était principalement  axé sur la tradition balkanique, en l’occurrence une fameuse ballade populaire albanaise, Constantin et Doruntina. Nous avons été surprises, Gisèle et moi, de constater  combien j’étais encore liée à cette tradition balkanique. Comme preuve, dans mon dernier roman j’utilise une phrase issue du roman d’Ismail Kadare, Qui a ramené Doruntina, qui parle justement de la légende d’une sœur ramenée à la maison par le fantôme de son frère.  Gisèle, avec son œil de spécialiste, a décelé plus que moi mon vrai filon. Même les questions de ses étudiants m’ont aidée à savoir qui je suis vraiment. Mes projets seront donc en accord avec cette tradition, et avec ce qui s’y ajoutera en cours de route.

 

E-B. S. – Au nom des lecteurs d’ATELIER DE TRADUCTION, un grand MERCI, Felicia Mihali !

Publié dans la revue ATELIER DE TRADUCTION, Les Éditions de l’Université de Suceava, avec le soutien de l’AUF et de l’Union Latine, no. 7, 2007, p.15

Par Elena-Brandusa Steiciuc

Alliant carnets de voyage, données historiques et rêveries, Felicia Mihali livre un portrait résolument intime de la Chine et des mouvances intérieures des immigrants dans Sweet, sweet China.

«Ce livre fut écrit en tant que manuel de sauvetage pendant mon naufrage sur l’île de la Chine» peut-on lire à la fin de l’étonnant roman de l’auteure québécoise d’origine roumaine, Felicia Mihali (Le pays du fromage).

«Quand je suis partie en Chine, je n’avais pas du tout l’intention d’écrire un livre, confirme l’auteure qui fut appelée à se rendre là-bas, en 2002, afin d’aider des groupes de Chinois dans leur demande d’immigration au Québec. «J’étais au Québec depuis trois ans et, ce n’est pas que je ne trouvais pas ma place mais je me posais des questions. Est-ce que j’ai bien fait de venir ici? Devrais-je retourner en Roumanie? … Je pense qu’il est sain que chaque immigrant se questionne sur sa nouvelle identité.»

L’auteure a donc sauté sur l’occasion de renouer avec ses études de chinois pour entreprendre une quête initiatique de 10 mois. «Ce fut un véritable retour dans le passé, relate Mihali, qui a vécu 23 ans sous le régime communiste dans son pays natal avant d’émigrer au Québec. «Pékin m’est apparue comme un Bucarest multiplié par 10. J’ai alors commencé à écrire, à tenir un journal et à prendre des photos, pour ne pas sombrer, tant j’étais perdue. Je regardais beaucoup tous ces westerns chinois à la télé qui essaient de récupérer un passé détruit. J’entendais aussi des histoires que me racontaient mes étudiants. J’ai eu alors très envie de faire un album d’art, un projet à la fois littéraire et visuel avec tout ça.»

Le pari semble impossible et pourtant, Felicia Mihali réussit avec virtuosité et intelligence à lier cette matière, transformant de simples carnets de voyage en véritable oeuvre littéraire foisonnante. Ajoutant une touche de réalisme magique, créant des entités traversant le temps, l’auteur fait entrer son alter ego, Augusta, en Chine comme dans un palais des miroirs où les épouses d’empereur, comme les étrangères, se cachent dans les replis d’encre des estampes, pendant que les étudiants chinois se perdent en conjectures à tenter de comprendre comment entrer au Québec.

«Je trouvais intéressant que la Chine soit découverte à travers les sens empiriques, poursuit-elle. En ce qui a trait aux photos, je ne voulais pas simplement souligner le propos. À l’aide d’une amie artiste en arts visuels, j’ai utilisé la technique du collage. Les photos sont donc un reflet de la technique narrative. L’aspect visuel reflète lui aussi une pensée cohérente, un discours.»

Au pays des mensonges

Si Felicia se renomme Augusta au sein du récit («je me sentais au mois d’août de ma vie», dira-t-elle), les extraits de son journal, eux, demeurent inchangés. Aucune contrefaçon donc dans cet ouvrage mais beaucoup de fantaisie et de mirages. «J’ai voulu rendre la frontière entre la réalité et la fiction très floue, explique l’auteure, si bien qu’on ne sait pas où sont les mensonges.»

C’est peut-être d’ailleurs le seul clin d’oeil que se permet l’auteure au régime communiste, un sujet planant comme un fantôme au-dessus des pages sans jamais s’y poser réellement. «Le communisme est un régime où la liberté ne fonctionne pas vraiment, répond Mihali lorsqu’on la questionne sur sa réserve. Or, dans mon travail, je devais aider les Chinois à répondre à la question: pourquoi voulez-vous partir? Vous comprendrez que la question était doublement délicate.

«J’aurais voulu pouvoir me moquer de certaines choses, en parler du moins, poursuit-elle. Mais connaissant le système, je savais qu’il peut toujours y avoir, même parmi mes étudiants, quelqu’un qui risque de rapporter ce que j’ai dit. Ici, on ne sent pas l’appareil oppressif. On associe la Chine à la mauvaise marchandise. Mais le régime, là-bas, ça fonctionne. La peine capitale, les emprisonnements, ça existe. Alors, il faut bien tenir sa langue. On ne parle pas de politique là-bas. De même qu’on ne joue pas avec le communisme.»

L’esprit et l’originalité de l’oeuvre n’empêchent pas l’auteure de glisser certaines notions historiques judicieusement choisies, nous ouvrant la porte sur un monde magique ayant des assises dans la réalité. Mais surtout, Sweet, sweet China effleure avec tendresse les vertiges identitaires des nouveaux nomades, les immigrants.

«Tout comme pour le personnage d’Augusta, la Chine fut pour moi la cime d’un triangle qui réconcilie les deux parties de mon identité, l’identité roumaine et québécoise, témoigne Mihali. Ce fut d’ailleurs un choc de découvrir que j’appartenais finalement aux valeurs de l’Ouest. Cette aventure m’a donc permis d’échapper à la nostalgie. Mais voilà, pour vivre l’expérience de l’intégration, il faut être patient et ne rien brusquer…»

La Presse
Collaboration spéciale
Le dimanche 03 février 2008
Jade Bérubé

Littérature québécoise

Née en Roumanie, Felicia Mihali vit actuellement au Québec, où elle a fait une entrée fort remarquée sur la scène littéraire avec Le Pays du fromage. Dans La Reine et le Soldat, fresque située au royaume des Perses vers l’an 330 av. J.-C., la romancière met en scène Sisyggambris, la mère du roi Darius, qui assiste impuissante à l’écroulement de son royaume conquis par les troupes d’Alexandre le Grand, de Macédoine. Séduite par un jeune soldat grec dénommé Polystratus, la reine perse suivra celui-ci jusqu’en Grèce, où elle sera amenée par la force des choses à comparer leurs deux civilisations. Roman historique, roman d’amour, certes, mais aussi méditation sur l’impact de la guerre et sur la notion de barbarie — sujet contemporain s’il en est…

Troisième oeuvre de Mihali à paraître chez nous dans la langue de Molière, La Reine et le Soldat a connu une genèse bien particulière qui remonte au temps des études de la romancière dans sa Roumanie d’origine. C’est son professeur de littérature néerlandaise, raconte-t-elle, qui lui a offert le roman Iskandar de Louis Couperus : « J’avais beaucoup aimé ce livre, auquel j’emprunte un motif assez secondaire : le moment où, Darius vaincu, sa mère et sa fille deviennent les prisonnières d’Alexandre le Grand. La relation de Polystratus avec la reine n’existe pas chez Couperus. » Fière représentante d’une civilisation qui a dominé le Moyen- Orient pendant des siècles, Sisyggambris porte sur les envahisseurs de son royaume, ces brutes barbares venues de Grèce, un regard au début méprisant, qu’elle apprendra à atténuer au fil du récit. Compte tenu des racines grecques de la civilisation occidentale, cela apparaît un renversement de perspective assez intéressant. Qui plus est, en choisissant de raconter cet amour impossible entre la reine et un soldat fictif, Felicia Mihali s’offrait un terreau riche en potentiel romanesque : « J’aurais pu mettre l’accent sur la relation entre Sisyggambris et Alexandre, c’est vrai. Mais je me suis dit qu’Alexandre, qui avait été l’élève d’Aristote, était bien préparé pour rencontrer l’Autre, il était bien muni pour faire face à la reine. Je trouvais plus intéressant de donner à l’interlocuteur de la reine un niveau bien inférieur, de manière à lui faire acquérir une dimension d’éducatrice du conquérant. Voilà pourquoi je lui ai préféré le pauvre Polystratus. En fait, j’ai conçu mon roman autour de cette relation amoureuse entre deux personnes très différentes, qui l’une et l’autre feront l’expérience de l’exil. » De son propre aveu, Felicia Mihali n’anticipait pas que cette thématique de l’étranger plongé dans un milieu auquel on n’appartient pas tout à fait finirait par s’actualiser avec sa propre existence d’expatriée, qui a choisi de s’établir au Québec, en partie par amour pour la langue française : « Au début de mon livre, Polystratus est perçu comme un conquérant, un agresseur, mais pour lui aussi la vie n’était pas facile. Il a ses peurs, ses doutes, ce qui n’apparaîtra qu’un peu plus tard, au moment où il aura l’impression d’être plus familier avec les lieux. Car je crois que plus tu te familiarises avec les lieux de ton exil, plus tu es étranger. »

De l’actualité de l’Histoire

Qu’après deux romans plus manifestement proches de ses expériences personnelles, voire nourris d’expériences autobiographiques, Mihali choisisse de camper cette histoire dans le Moyen- Orient d’il y a presque trois millénaires peut avoir l’air d’une rupture dans son oeuvre. Elle en convient volontiers et renchérit même, mais avec certaines nuances : « Vous savez, malheureusement pour moi, un roman que j’ai publié en Roumanie entre Le Pays du fromage et Luc, le Chinois et moi n’a pas été publié ici, ce qui donne une image incomplète de mon travail. J’ai jusqu’ici toujours écrit selon un principe d’alternance entre des romans plutôt réalistes et des romans d’évasion dans un espace parfois historique, parfois intemporel. Après La Reine et le Soldat, je publierai Ma douce Asie, qui revient sur ma vie en Chine. » L’évasion, on veut bien, mais un roman à caractère historique n’impose-t-il pas, par sa nature même, un défi d’écriture, de recréation plus fastidieux que l’oeuvre campée dans un contexte contemporain ? En fait, selon Mihali, « le plus grand défi tient au fait que ces romans exigent beaucoup de documentation. Une romancière ne peut pas s’embarquer dans une telle entreprise si elle n’a pas le temps de lire les chroniques qui racontent l’époque où elle veut situer son intrigue. Et quand on veut recréer une époque, on doit aussi consulter des sources autres qu’historiques, on doit s’intéresser aux coutumes, à la littérature, à l’art militaire de cette époque. » Même si le décor de La Reine et le Soldat semble fort éloigné du nôtre, certains aspects de son propos n’en demeurent pas moins d’une actualité évidente, au lendemain de la guerre en Irak, d’où les forces d’occupation américaines ne semblent pas près de se retirer : « Je déteste ce cliché qui veut que l’Histoire se répète, mais en écrivant ce roman j’ai découvert qu’il y avait un peu de vrai dans cette affirmation, parce que l’homme ne change pas ou change si peu… C’est pourquoi il répète les mêmes erreurs, garde au fil des siècles la même façon de penser et d’agir. » La romancière se garde bien de juger le monde actuel selon une grille manichéenne, mais reconnaît que « quand les événements du 11 septembre 2001 sont survenus, quand la guerre d’Irak a éclaté, j’ai complètement changé d’avis sur les campagnes d’Alexandre en relisant les chroniques qui présentent un visage glorieux du conquérant. » Ainsi, le parallèle entre les occupants américains de Bagdad et les soldats grecs stationnés dans le royaume de Sisyggambris et perçus par elle comme des rustres et des barbares n’est pas fortuit : « Quand on relit entre les lignes les chroniques des campagnes d’Alexandre, on se rend compte que les choses étaient assez semblables à la situation actuelle, affirme Felicia Mihali. J’ai été choquée de découvrir le même manque de motivations, les mêmes fausses raisons d’envahir les autres, de les détruire sous prétexte de les civiliser. » Sachant cela, on ne s’étonnera alors pas que l’auteure puisse écrire que « la reine savait d’avance combien braves pouvaient être les Occidentaux pour qui la guerre constituait le métier le plus rentable », commentaire vraisemblablement applicable autant aux Grecs de l’Antiquité qu’aux Américains d’aujourd’hui.

Par Stanley Péan

This week Québec Reads spoke with the author of A Second Chance, Felicia Mihali. Her novel tells the story of a Romanian couple in the impressively multicultural city of Laval. It’s spring 2012 and Adam is recovering from a stroke. His right arm has been left paralyzed and his memories are almost completely gone. Daily life with his (unnamed) wife is both deathly dull (trips to Costco and the mall) and full of fear (he’s too afraid to answer the phone, scared that people will speak to him in the language he has now forgotten).

Our first-person narrator is a difficult woman to get along with; spending too much time in her company can be draining. She’s the type of woman who says darned instead of damned, and has grown to like suburbia. Finding a job near her home is, in her eyes, a “heavenly gift.” But she disapproves of her daughter going on a Caribbean cruise and gives up smoking because buying cigarettes is too much of a nuisance. Damningly, not even her daughter getting engaged manages to lift the gloom. Hell is other people, she seems to be telling us; Hell is a Sunday afternoon at Costco.

Reading her dreary, meticulous descriptions is occasionally tiresome, although they are not entirely without irony and some degree of self-deprecation. In all, it’s a subtle journey, albeit one that is well worth making, particularly for the understated but powerful writing style. Our feelings for Adam and his wife have to be earned as the book develops, but by the end (thanks in no small part to the realism of Mihali’s world) we find ourselves caring for them both as real people—and are genuinely caught off guard by a twist in the tale that changes everything.

Felicia Mihali, what was it like for you as an author spending so much time in your character’s company? Just how ambivalent did you want us to feel about her?

For people who know me, there is no secret that the no-name woman in the story is me. I am someone deeply in love with my daily routine, with cooking, washing, and cleaning. After hours spent in front of the computer or reading on the sofa, nothing gets me more relaxed than tidying up. I have never been to a gym and never intend to go. Do you want to keep yourself in shape? Then clean your house and cook for your family, like in the good old days.

People might judge this woman as a petty or trivial being, always focusing on small things. But what else is our life made of if not small things?

When you know how to deal with small things you know how to deal with the bigger ones. That is how this woman can go on with her life after her husband’s stroke left her in charge of a 50-year-old man who is no wiser than an 8-year-old boy. While everybody around pities her, she decides to take the best part of this nightmare and look for good or even beauty everywhere, and mostly where there is regularly none. She chooses to be generous and careful. Her heroism lies in making a normal and worthy life for her crippled husband. The narrator says of her relationship with her husband: “The real solidarity has always been between the two of us. Adam and I felt good together. It was as though the presence of other people disturbed our subtle chemistry.”

I think this “subtle chemistry” is as true for the novel as it is for the couple. As a novel, it’s a slow-burner. It’s all written in neat, measured, balanced sentences, but beneath the precision and the cold realism, there is certainly a flame. Aside from The Darling of Kandahar—a top Quebec pick for Canada Reads—you wrote your earlier novels in French. Do you think you could have built this tension just as effectively in French or do you think the sparseness of the writing in English helps make the novel what it is? There is something pleasantly evocative about lines like this, for instance:

“The mountains of snow on the sidewalks are melting; the streets are being washed by rain.”

This book would have been something completely different in French. It would have been a tragic, Shakespearean novel about faith, misfortune, hardship. When you know a language too well you cannot avoid the pitfall of giving too many details. My first experience with writing in English was the chance to be simple, colloquial, and funny. My previous books written in Romanian or French are really missing mockery which, as a reader, I appreciate a lot in a book. As a writer, I think I have always been a little too gloomy, mournful, melancholic. I do not say that English is funnier than the other two languages, or any others for that matter, but it is to me. Wittiness is also a trick to disguise a loose grammar. That’s what any beginner does: when you are not sure about what you’re saying or how to say it in a new language, you laugh a lot hoping that the native-speakers will believe you’re making a joke. My English is a language made out of lines I pick up here and there, in the movies, talk shows, or TV-news bulletins. It is an oral dialect more than an erudite one, even if I read a lot in English.

My sparseness, as you said, leads the plot; it makes it. In French, I feel as though I’m travelling in a cart pulled by a pair of oxen. I can look around, draw from a cigarette while chatting with passers-by. In English, au contraire, as I drive a fast car without knowing exactly how the brakes work I have to shout at people to get out of my way. In French, I can be very detailed and a little bit of a snob because my vocabulary has more than 3,000 words. In English I remain laconic. In French I am larmoyante; in English sharp like a razor. Some readers could believe I remain on the surface of things but I like to believe that most of them would be able to see deeper, as nothing should be taken at the first degree.

Going to Costco, the example you cite, is not only about shopping, it is more of a mockery about extended consumerism and the way any newcomer associates it with the American dream of wealth and prosperity. When immigrants can afford to fill their cart with those huge boxes, they feel like they have a hold on this country. For most of them, unfortunately, buying more than they need or can afford at Costco is the only hold they ever have on Canada.

A little later, we return to the theme of the couple again:

Certainly tolerance and indifference seem to be key here, both in the life of the couple and in our experience as readers. At times I found myself ambivalent about what was going on, at others I had tears in my eyes. Are these quiet, understated emotions of tolerance and indifference something more powerful in your eyes as a writer? Are they something you set out to explore in this novel? Perhaps we could consider the narrator appearing indifferent to others as some sort of achievement, a sign of strength, when we consider the other emotional responses she could have had.

Well, tolerance comes with old age, and this is true for anybody, not only for writers. At twenty you are sure you can change the world, in your late forties you are happy if the world doesn’t hurt you too much. Nolens volens, you become tolerant as your teeth get blunter, so you cannot bite as before. Yet indifference seems to me a very bad emotion to experience for any individual and the worst for a writer. Maybe the woman in the story could seem indifferent towards colleagues or friends, as she never laments, she never shows how desperate she is, never talks for example about how much she is missing her husband the way he was: funny, sexy, manly. I intentionally made her look a little cold, but her silence to me means acceptance and dignity, not indifference. And then, toward the end of the novel, everything changes. The tone doesn’t change, I think, but revelations shift our sympathies. What we learn doesn’t quite lead us to reconsider everything, but… The end of the story should reveal she is generous and forgiving. Why? What if one day something nice might again happen to her, to their couple? Illness is not the end. It could be the beginning of something else. Sometimes, taking care of a loved-one gives people the chance to test their inner selves.

 

I’d be interested to hear if you would still or have ever described yourself as a Quebec writer. And if you think there are major differences between fiction being published in Quebec at the moment compared to elsewhere.

 

First of all, I would like to know if Quebec considers me as a Quebec writer. I wonder if they do not consider migrant literature somehow a less valuable literature. Yet, as Mavis Gallant put it, I do what I have to do without questioning myself about my place in any official literature. It would be difficult anyway, mostly after switching to English. I now find myself in the unusual position of belonging nowhere. The French-Canadian mainstream blames me for letting down la Francophonie; English Canada considers me too French. Not to mention the attitude back in my country where no publisher would translate my books. As you can see, I am in the very comfortable position of being quite alone. This gives me the freedom to be myself and do things as I please. My big chances in this country were my publishers, people like André Vanasse and Linda Leith. As long as I can publish my books, it doesn’t matter what people consider me. The books are there, and that is what really matters. As for differences between literature here or elsewhere, there are only good or bad books. And Quebec has now so many good writers, in both languages. This evidence helps you forget that everything started nearly forty or fifty years ago.

 

What are some of your favourite books from Quebec?

 

There are so many writers, so many books that influenced me that I am afraid to start listing them. I am sure I will leave out many of them, but let’s try. I am fond of those unfinished books like Bouvard et Pécuchet (Flaubert) Dead Souls (Gogol), The Man Without Qualities (Robert Musil). They are the closest to what I consider to be perfect books. Luckily for us, the authors died before completing them, otherwise many of us should be ashamed of calling ourselves writers. We can still hope to do something worthwhile one day. What I like is when a book deals with more than a simple, soap- opera-like story, books made up of layers of magic, history, wisdom, mythology. In this field I would name everything written by Ismail Kadare, Ohran Pamuk, Garcia Marquez, Mo Yan, Yasunari Kawabata, Yukio Mishima, Dino Buzzati (The Tartar Steppe) Italo Calvino (mostly for his astonishing If on a Winter’s Night a Traveler) Milorad Pavic (for his wonderful Dictionary of the Khazars) Vladimir Nabokov (for his early short stories, written in Berlin) Borges, Danilo Kis, Herman Hesse, Ilf and Petrov (for their most comical books ever, The Little Golden Calf and The Twelve Chairs). I like Chekov, Maupassant, and Alice Munro for short stories. I like Cesare Pavese and Nina Berberova for their short novels. I adore Oriana Fallaci for the way she knew to embed fiction with journalism. I told you the list is long, I could go on and on. From time to time, I go back to these authors and they become better and better with every new reading.

 

As for Quebec literature, I am really amazed at the progress made over not more than half a century.

 

To name only a few that come to my mind, I could start with the classics like Anne Hébert, Réjean Ducharme, Marie-Claire Blais, Gabrielle Roy, Hugh MacLennan, Mavis Gallant, Mordecai Richler up to nowadays: Lise Tremblay, Gaétan Soucy, Andrée Laberge, Jocelyne Saucier, Dany Laferrière, Nelly Arcand, Michael Delisle, Max Férandon, Marie-Renée Lavoie1, David Clerson, Nicolas Dickner, Dominique Fortier2, Rawi Hage, Dimitri Nasrallah, Alain Farah and many, many others. This summer, I discovered Gordon Sheppard’s book HA!, which puzzled me. I mean, I liked it so much that I am planning to write something called OH!, a story as twisted as the one he tells about Hubert Aquin. I should thank Dimitri Nasrallah for mentioning Sheppard in an interview3; that’s how I discovered him. As a writer I was happy to be so disturbed by a book. To me it was a sign that I am still in business.

 

Felicia Mihali, fiction, Linda Leith Publishing, published, written in English

 

Quebec Reads
November 9, 2014
Peter McCambridge
Québec Reads: Interview with Felicia Mihali